30 vendémiaire, an CCXXI
Quand un oignon rissole dans quelque
huile que ce soit, l'appétit vient au monde entier
Ma vie s'est partagée entre deux passions, la musique et la cuisine. N'ayant jamais écrit autres choses que des saveurs, des sons pour, de temps en temps, générer de l'harmonie, je me sens démuni, avec cette plume, ce soir.
Je voudrais simplement vous dire que la
cuisine et que la musique n'ont jamais eu de patrie, qu'elles n'ont
jamais été bleu, blanc, rouge et qu'elles n'auraient pu s'épanouir
sans liberté.
Je voudrais simplement vous dire que
quand le soleil se couche pour moi, il se lève pour un autre, quand
un Mozart se joue, son génie, sa transcendante fraternité est
perçue de tous les peuples, quand un oignon rissole dans quelque
huile que ce soit, l'appétit vient au monde entier.
Je voudrais simplement vous dire,
malgré votre étonnement pour cet étrange appariement entre Mozart
et une odeur, que l'harmonie, après laquelle j'ai toujours couru,
est ce devoir que nous avons, cette impérieuse nécessité
devrais-je dire, d'aider, d'assister l'autre vers sa liberté absolue
de conscience, vers l'administration exacte de ses choix, dans
l'absence de tous dogmes, vers ce plaisir de découvrir sans cesse et
sans fin ce qui se fait ailleurs, ce qui s'écoute ailleurs.
Je me sens démuni, avec cette plume,
ce soir, moi le vieux charentais, parce que la haine n'aime pas
l'odeur, elle n'aura jamais de grands cuisiniers et ne servira que de
spartiates brouets à de brunes et décervelées phalanges, elle
n'aura jamais de grands musiciens car portée fait oxymore avec
barbelé.
La haine n'aura jamais d'artistes.
La haine ignore la spiritualité qui
nous unit, nous créateurs, nous acteurs de vie, elle ignore
l'histoire de l'homme, abolit jusqu'à la génétique qui nous fait.
La haine, mes enfants, réécrira, si
nous la laissons faire, l'origine des végétaux et des animaux qui
peuplent nos assiettes, une blanche vaudra vraiment deux noires et
là, là, nous serons coincés, murés dans les silences qu'elle
imposera à nos partitions, morts de n'avoir su générer l'harmonie.
Ma vie s'est partagée entre de deux
passions.
Mon coeur, lui, ce soir, usé et
fatigué, n'est pas partagé, il bat encore et je l'entends qui
tambourine à la porte de mon âme et lui crie:
Vire la haine !
Un texte de 2002... Et comment va le cuisinier-botaniste-mraîcher-libraire-musicien-écrvain, en 2012 ? Mieux, j'espère ? Hubert
RépondreSupprimerNon, Hubert, je ne vais pas mieux, la bête n'est pas morte... la haine est toujours rampante, comme ces insidieux brouillards qui s'insinuent sous les portes les mieux fermées nous glaçant l'âme de leur apparente normalité...
RépondreSupprimerCommence par faire le nécessaire, puis fais ce qu'il est possible de faire, et tu réaliseras l'impossible sans t'en apercevoir. [Fransesco BERNARDONE, dit Saint François d'Assise (1182-1226)] Fais le nécessaire : rien qu'un petit pas pour se dire que l'on pourra vaincre le côté obscur de la Force.
RépondreSupprimeramicalement
Hubert
RépondreSupprimer"Nisi Dominus aedificaverit domum in vanum laboraverunt qui aedificant eam.
Nisi Dominus custodierit civitatem frustra vigilavit qui custodit."
Le terme 'Dominus' m'a toujours paru mal traduit ou, du moins, sujet à interprétations...